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En 1972, Ole Kallius arrive du RW Oberhausen au Kehrweg

Une seule saison à l’AS, mais beaucoup de buts et encore plus de souvenirs

 

Ulrich « Ole » Kallius (né en 1945, comme le KAS Eupen !) a connu une carrière footballistique exceptionnelle. Ayant grandi dans l’extrême nord de l’Allemagne, il s’est hissé, en tant que jeune joueur du Flensburg 08, dans l’équipe nationale junior, où il était le voisin de chambre de Franz Beckenbauer et a joué contre les Pays-Bas de Johan Cruyff.

 

De 1964 à 1971, il a été un buteur prolifique en Regionalliga Nord pour Altona 93, le FC St. Pauli et le VfL Osnabrück. Après une saison avec Rot-Weiß Oberhausen en Bundesliga, il a rejoint l’AS Eupen en été 1972. Il n’y est resté qu’un an, car Eupen l’a transféré à l’Olympique de Charleroi. Une décision inhabituelle, car Ole avait marqué 18 buts et était le garant du maintien du club en 2e division.

 

L’histoire d’Ole Kallius est un exemple parfait de la politique menée par l’AS Eupen au début et au milieu des années 70. Avec des joueurs talentueux et connus, principalement originaires d’Allemagne, le club renforçait son équipe autour des meilleurs joueurs d’Eupen, tels que Werner Pirard et Günther Brüll, et attirait entre 3 000 et 4 000 spectateurs au Stade du Kehrweg. Cependant, pour survivre financièrement, les joueurs transférés devaient être revendus peu de temps après à d’autres clubs, principalement belges, afin de générer des bénéfices.

 

C’est ainsi qu’à l’été 1973, la limousine du président de l’Olympic Charleroi vint chercher Ole Kallius à Eupen.  Malgré son passage de courte durée, une amitié particulière et durable s’est développée entre Ole Kallius et l’AS Eupen.

 

Après avoir fait le déplacement depuis Hambourg pour le 70e anniversaire du club, il n’a pas pu assister à la célébration du 80e anniversaire pour des raisons de santé.  L’ancien attaquant a toutefois envoyé un message très personnel avec la question ouverte « Les 80 ans de l’AS Eupen  et les 80 ans d’Ole Kallius, est-ce bien plus qu’un hazard ? ».

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L'interview d'Ole Kallius

Ole, au cours de votre carrière, vous avez principalement joué dans de bons clubs de la Regionalliga Nord (à l’époque la deuxième ligue allemande), mais vous n’avez jamais été promu. Vous avez néanmoins réussi à faire le saut en Bundesliga lorsque le Rot-Weiß Oberhausen vous a engagé à l’été 1971. Un an plus tard, vous avez signé à l’AS Eupen. Comment cela s’est-il passé ?

Il faut savoir que j’avais toujours joué et vécu dans l’extrême nord de l’Allemagne auparavant. Le climat et le paysage de la région minière ne me convenaient pas. Cela avait également eu un impact sur mon jeu et j’avais déjà discuté avec le président du club de mon envie de retourner dans le nord.

Peu de temps après, le téléphone a sonné et un certain M. Paul Brossel m’a parlé d’une voix inoubliable et très amicale. Il m’a dit qu’Eupen était certes un petit club, mais qu’il était néanmoins intéressé par mon engagement. J’ai alors demandé à M. Brossel où jouait son AS Eupen, car je ne connaissais pas du tout ce club. Il m’a répondu qu’Eupen jouait en 2e division et que Gerd Prokop était le gardien et l’entraîneur de l’équipe. Ce nom m’a électrisé, car Gerd Prokop était pour moi l’un des meilleurs gardiens d’Allemagne.  J’ai donc dit à Paul Brossel que j’aimerais lui parler et qu’il devrait passer me voir. Il est venu et j’ai signé, car j’avais soudainement envie de me lancer à nouveau et de retrouver le plaisir de jouer au football. À la fin de mon séjour à Oberhausen, j’avais trouvé un emploi à mi-temps à la Deutsche Bank à Aix-la-Chapelle. J’ai conservé cet emploi lorsque je jouais à Eupen. À l’époque, j’habitais à Aix-la-Chapelle et Gerd Prokop venait me chercher personnellement pour m’emmener à l’entraînement et aux matchs. À la frontière, où il y avait encore des contrôles à l’époque, nous étions bien connus et on nous laissait toujours passer sans problème.

Comment avez-vous vécu votre transfert de l’Allemagne vers la Belgique et votre arrivée à l’AS Eupen ?

Mon premier match était un match amical contre le MSV Duisburg. À cette occasion, j’ai fait la connaissance de mes coéquipiers, dont beaucoup parlaient allemand, notamment Helmut Graf. Mais je voulais aussi apprendre et parler le français. Contre Duisburg, j’ai immédiatement marqué mon premier but pour l’AS. Après le match, nous avons un peu fêté cela au Penalty et je me suis tout de suite senti intégré. J’ai alors réalisé que j’aimais énormément l’ambiance qui régnait à Eupen. Et même si je continuais à habiter à Aix-la-Chapelle, je me sentais vraiment bien dans cette ville et j’envisageais même de déménager à Eupen et d’y rester. Mais les choses se sont passées autrement, car je ne suis finalement resté qu’un an à l’AS.

Quel a été votre bilan sportif lors de la saison 1972-1973 à l’AS Eupen ?

Les résultats de l’équipe ont été moins bons que prévu. Même si nous avions une équipe solide, avec des joueurs tels que Gerd Prokop, Julien Onclin, Werner Pirard, José Ordonnez, Günther Brüll, Helmut Graf et quelques autres, nous avons dû attendre la dernière journée pour éviter la relégation en 3e division, grâce à une victoire 2-0 contre AA Gand, où j’ai marqué deux buts. Au total, j’ai marqué 18 buts pour l’AS Eupen au cours de la saison, et ce malgré une fracture du péroné lors du match contre Beveren le 4 mars 1973, qui m’a écarté des terrains pendant plusieurs semaines. Après une année ratée à Oberhausen, mon passage à l’AS Eupen a été une année dont je garde un bon souvenir, également du point de vue sportif.

Pourtant, vous avez quitté l’AS après seulement un an pour rejoindre l’Olympic Charleroi. Pourquoi ?

Vers la fin de la saison, Paul Brossel est venu me voir et m’a dit qu’il avait reçu des offres pour moi de la part du Cercle de Bruges, du Standard de Liège et de l’Olympic Charleroi. Il m’a expliqué que l’AS Eupen était à court d’argent et qu’il devait me vendre malgré notre amitié. J’ai fait remarquer qu’un tel transfert impliquerait pour moi un déménagement en Belgique et l’abandon de mon poste à la Deutsche Bank. Paul Brossel a promis de trouver une solution à ce problème.

Et quelle était cette solution ?

Paul Brossel avait organisé une rencontre à Eupen avec le président de notre concurrent en championnat, l’Olympic Charleroi, M. Jacques Lamotte. C’était un homme d’affaires fortuné et extrêmement attentionné qui avait rejoint l’Olympic Charleroi dans le but de faire monter le club en première Division. Avant même que je signe le contrat avec lui, il est venu me chercher à Eupen avec sa femme dans sa Rolls Royce et m’a montré plusieurs appartements à Bruxelles parmi lesquels j’ai pu choisir celui où j’allais vivre pendant mon séjour à l’Olympic. Lors de la signature du contrat, j’ai dit à Jacques Lamotte que c’était avec Helmut Graf comme passeur que je pourrais le mieux exploiter mes qualités de buteur. Peu de temps après, il a donc également engagé Helmut Graf, ce qui a bien sûr facilité mon intégration dans cet environnement francophone, car Helmut jouait déjà en Belgique un an avant moi.

Et comment cela s’est-il passé à Charleroi ?

Très bien, nous avons immédiatement remporté le championnat de deuxième division et sommes montés en première division, grâce entre autres à mes 16 buts. Malheureusement, au début de la nouvelle saison en D1, contre Gand, je me suis déchiré le ligament croisé à la 44e minute. Malgré cela je suis parvenu a marquer un but de la tête quelques secondes avant la mi-temps, avant que je ne suis sorti du terrain gravement blessé. J’ai dû être opéré à Liège. Alors que j’étais encore hospitalisé, M. Lamotte m’a proposé un nouveau contrat de trois ans. Cela m’a beaucoup touché, mais je n’ai finalement pas signé, car j’avais des problèmes personnels et je voulais d’abord divorcer de ma première femme et retourner en Allemagne pour reprendre mon métier de banquier. Jacques Lamotte était certes déçu, mais il a compris mes motivations et m’a laissé partir. Il s’est montré extrêmement généreux et n’a exigé aucune compensation financière, alors que Charleroi avait versé une somme importante à l’AS Eupen pour mon transfert.

Avec cette grave blessure et votre départ de Charleroi, vous avez mis fin à votre carrière professionnelle à l’âge de 30 ans. Mais un nouveau chapitre passionnant a commencé pour vous en tant que joueur dans l’équipe des légendes du Hamburger Sportverein. Comment êtes-vous devenu coéquipier d’Uwe Seeler et de Felix Magath ?

À mon retour en Allemagne, j’ai rapidement reçu plusieurs offres, notamment du FC St. Pauli, mais aussi un appel de l’équipe des légendes du HSV. Le manager m’a invité à un match d’essai à Lübeck. Cette invitation était très surprenante, car j’étais un ancien joueur du St. Pauli et tout le monde connaît la rivalité entre les deux clubs. À Lübeck, nous avons gagné 15-0 et j’ai marqué 12 buts. Ce fut le début de 12 années pendant lesquelles j’ai eu le privilège de jouer dans l’équipe des légendes. Aux côtés d’Uwe Seeler, Felix Magath et parfois aussi Horst Hrubesch, nous avons joué non seulement en Allemagne, mais aussi dans d’autres pays, notamment en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique du Sud et dans bien d’autres encore. Nous avions une très bonne équipe et j’ai marqué près de 500 buts pour l’équipe des légendes avant de mettre définitivement un terme à ma carrière de footballeur.

Cette année, vous et l’AS Eupen fêtez votre 80e anniversaire. Avez-vous toujours été conscient que ce club et vous aviez le même âge ? 

Non, je ne m’en suis rendu compte que cette année, à l’occasion de cet anniversaire. Nous sommes tous deux nés en 1945 et avons parcouru notre chemin pendant plus de 80 ans. En 1972, nos chemins se sont croisés pour la première fois.

Vous n’avez joué qu’un an à l’AS Eupen, mais vous vous sentez néanmoins très attaché à notre club. D’où vient ce lien si fort ?

C’est grâce à l’incroyable reconnaissance dont j’ai bénéficié à Eupen. Les supporters m’ont soutenu et je leur ai rendu la pareille en marquant des buts. Je repense souvent et avec plaisir à cette année, au Café Penalty, à Paul Brossel, Gerd Prokop et tous les autres joueurs et supporters. Je n’oublierai jamais cela. Et s’il n’y avait pas eu des événements comme ma blessure ou mon divorce, je serais resté à 100 % en Belgique, car j’ai beaucoup aimé la mentalité des gens et les villes que j’ai découvertes là-bas. À l’AS Eupen, j’apprécie également le fait que le club continue, aujourd’hui comme hier, à s’imposer parmi les grands clubs avec des moyens relativement modestes.

Que souhaitez-vous à votre AS Eupen pour son 80e anniversaire ?

Qu’à la fin de la saison, mes deux clubs belges, l’AS Eupen et l’Olympic Charleroi, occupent les deux premières places et remontent ensemble en première Division.

Et encore une chose : veuillez transmettre mes salutations les plus chaleureuses à tout le monde à Eupen : tous les membres de la direction, l’équipe et tous les fidèles supporters. Je ne vous oublierai jamais !

Merci Ole et tout le meilleur pour vous !